LE REVENU D’EXISTENCE : QU’EST-CE QUE C’EST ? (Patrick.MOUGE/PRG)
Le Revenu d’Existenceinstaure inconditionnellement à tout citoyen, un Revenu, de la naissance à la mort, pour Exister. C’est un revenu égal pour tous et cumulable avec tout autre revenu tiré d’une activité supplémentaire.
C’est un changement dans notre façon de distribuer les richesses. Jusqu’à présent nous redistribuions les richesses par l’emploi, par les marchés, par une activité reconnue, tout cela constituant le revenu primaire. L’état, par les cotisations, redistribue une partie des gains par un transfert vers les personnes qu’il faut aider financièrement. Et actuellement près de 50% de ces revenus de transfert se fait sans contrepartie en terme de richesse pour le PIB, ce sont des allocations.
Aujourd’hui, il faut un emploi pour être reconnu pleinement membre de la société. Un salaire en CDI permet l’accès à un compte bancaire, à un logement et permet donc d’être intégré, sinon on est exclu du système.
Le Revenu d’Existence change le mode de redistribution car chaque individu démarre dans la vie avec un capital financier. Avec le Revenu d’Existence, on est accueilli dans la société comme un participant potentiel à la communauté, avec une capacité d’échange qui se fait, entre autres, par la monnaie.
Pour une société juste, il faut que chaque citoyen puisse disposer d’un revenu qui le libère.
Dans le système libéral extrême, le citoyen doit se débrouiller pour avoir son assurance maladie, payer son loyer, nourrir ses enfants… L’état n’ayant plus à sa charge que la défense et la sécurité. Ce n’est pas le but du Revenu d’Existence qui est une redistribution du capital accumulé par les générations précédentes.
La croissance économique s’appuie sur deux choses : un capital matériel ou financier et le capital humain. Nos ancêtres nous ont légué et un capital financier et un capital humain : un mode éducatif, des biens non matériels, des œuvres d’art, des monuments, etc. En France, le capital matériel ou économique est évalué à 15% du PIB, c’est de cette richesse accumuléepar les générations antérieures que découle le Revenu d’Existence.
Aujourd’hui tout le monde peut jouir du capital culturel, écologique, mais personne n’a accès à ces 15% de capital économique. C’est cette part qui, divisée par 64 millions d’habitants, fait que le Revenu d’Existence s’élève en 2011 à 350 euros.
Quand un enfant naît, ses parents vont ouvrir un Compte d’Existence qui chaque mois sera alimenté de ces 350 euros. Ce n’est pas un revenu qui permet de vivre, c’est un revenu qui harmonise les capacités financières de chacun.
Pour aller plus loin, confrontons cette proposition du Revenu d’Existence à ce qui a été retenu actuellement, c’est-à-dire le RSA. Le RMI a été remplacé par le RSA qui conditionne l’allocation à la recherche d’un emploi avec un salaire de référence. Il relie le revenu à la nécessité d’un travail salarié, alors même que le plein-emploi n’existe plus.
Le capitalisme libéral sait produire de la richesse. Chacun cherche à satisfaire ses désirs dans le libre marché avec une libre concurrence. Un produit rare devient cher et un objet consommé par le plus grand nombre enrichit celui qui le produit. Plus personne ne met en doute que le capitalisme, à moins qu’il ne soit régulé pour limiter ses excès, reste le meilleur moyen d’apporter richesses et libertés.
Mais ce système ne sait pas répartir de façon égalitaire la richesse : celui qui possède et qui dirige connaît les flux financiers, reçoit les chiffres d’affaires et détermine les bénéfices. Il s’attribue les richesses par des hauts salaires, des bonus. Il crée des écrans de répartition avec des niveaux de rémunération qui fabriquent des inégalités.
Il y a des hauts salaires en haut de l’échelle et des bas salaires en bas de l’échelle. De façon spontanée, le système élargit l’éventail des rémunérations et produit des inégalités.
Jusqu’alors, ne pouvait consommer que celui qui travaillait, « qui ne travaille pas, ne mange pas » disait Saint Paul . Le revenu était une contrepartie de la participation à la fabrication et cela avait un sens tant que la machine ne produisait pas sans l’homme ou que le coût du travail n’était pas en décalage avec le niveau de vie. Le revenu salarié, dans le cadre du CDI, est un contrat où le patron paye un peu pour que ses machines tournent beaucoup. Avec les délocalisations ou la robotique, les machines tournent beaucoup sans nous. Le plein-emploi n’existe plus et n’existera plus. Les 30 années glorieuses, de 1945 à 1980, sont du passé.
Autre remarque, autrefois nous étions obnubilés par cette idée que l’on pourrait manquer, alors que nous produisions toujours plus et à un faible coût. Il y a de tout et de trop ne serait-ce que pour répondre aux besoins élémentaires à l’homme.
Il y a de tout en trop. On ne produit plus ce que l’on vend, on ne produit que ce que l’on vend. La demande étant globalement banale, on achète du banal et l’on consomme du banal. Les aliments non plus de goût et les grandes marques imposent leurs standards.
Mais nous sommes tant en abondance qu’il faut sans cesse créer de la demande pour que le système fonctionne. Créer de la demande avec un pouvoir d’achat qui n’est plus du salaire mais du crédit. Le chiffre d’affaires s’anticipe sur la capacité future à consommer et pas sur celle à rembourser (crises des « subprimes »).
Alors qu’avec la rareté, nous étions dans la rivalité et la compétition pour l’emploi et les richesses, dans une société d’abondance où tout est produit sans nous, c’est l’échange immatériel qui est la source de richesses. Internet en est l’exemple évident par cette possibilité d’échanger le savoir, la connaissance, les arts, les idées…
De la même façon, le Revenu d’Existence est ce qui permet l’échange immatériel. « Je vous donne des revenus pour que vous preniez le temps d’échanger en coupant le lien emploi-revenu ».
Bien sûr, 350 euros ne suffisent pas à être totalement dans cette logique, c’est une première étape. Mais à terme, avec une montée en puissance de ce Revenu d’Existence, de nouveaux comportements vont se mettre en place de telle façon que ce qui va produire l’élévation du PIB, ce ne sera plus exclusivement la production matérielle de ce qui se vend.
En découplant le revenu de l’emploi, des expériences originales et créatrices vont apparaître, elles seront à l’origine d’une amélioration de nos vies car elles vont voir se stabiliser la production matérielle pour le bénéfice de la nature.
Il faut remplacer le plein emploi par une pleine activité qui découple les revenus de l’emploi, c’est le pari et la proposition du Revenu d’Existence.
Des expériences ont été tentées dans ce domaine et évaluée :
- La plus simple a été l’étude d’une population qui avait gagné à la loterie par « Grattage » une rente mensuelle de 650 €. Seuls 7% de ces personnes avaient cessé de travailler totalement, les autres avaient amélioré leur qualité de vie en travaillant différemment, en ayant osé prendre des risques …
- Aux Etats-Unis, il a été instauré dans plusieurs états le principe de l’impôt négatif.
- Lula da Silva a instauré le Revenu d’Existence pour tous les enfants nés depuis son arrivée au pouvoir. C’est ce qui a permis au Brésil de décoller.
- En Alaska, un revenu équivalent au Revenu d’Existence est en place, avec le versement, une fois l’an à Noël, d’une partie de la manne pétrolière qui équivaut à 1200 $ par mois avec une réussite totale.
Les 10 caractéristiques inconditionnelles du Revenu d’Existence :
- C’est un versement en espèces et non pas en nature car c’est à partir de l’argent que l’échange s’amorce.
- Il est versé à chaque citoyen.
- Il est versé sans condition de ressource ni d’activité. Les riches verront leurs impôts augmenter d’autant, leur revenu reste stable.
- Il est versé sans contrepartie de recherche d’un emploi ou en échange d’un travail d’intérêt général.
- Il est cumulable avec les autres revenus dont le revenu salarié ou issu d’une activité qui n’est pas illicite.
- Il est versé à titre individuel et non à l’ensemble du foyer.
- Il est versé de la naissance jusqu’à la mort.
- C’est un montant forfaitaire qui correspond à 15% du PIB.
- Il est suffisamment élevé pour pouvoir, à terme, se passer d’un emploi.
- C’est un versement mensuel.
Il est applicable tout de suite en France si une volonté politique existe. De nombreux économistes y ont travaillé autant de droite que de gauche.
À l’échelon du Val-de-Marne, nous proposons au Conseil Général de le mettre en œuvre.
Cette proposition part d’une commune du Val-de-Marne qui s’enorgueillit d’être la mieux gérée de son département. La formule pour y arriver est, en effet, simplissime et repose en trois points :
- N’investir que dans l’investissement et jamais dans le fonctionnement pour éviter d’avoir des salaires à payer.
- Faire peser sur les autres ce qui est du registre du budget de la commune : c’est le département qui finance les crèches, la CAF les multi-accueils de l’enfance…
- Ne pas avoir de budget social qui dépasse celui de la police municipale.
Il est donc bien naturel que ce soit de cette commune où la solidarité par les aides sociales soit réduite à une peau de chagrin qu’apparaisse une volonté politique d’instaurer le Revenu d’Existence.
PATRICK MOUGE – Conseiller Municipal PRG - Février 2011